Beatleweek 2018: à la recherche des Beatles à Liverpool

Le train de Virgin Trains parcourt la campagne anglaise, qu’on aperçoit depuis les larges fenêtres. Dans une petite vingtaine de minutes, il entrera en gare de Liverpool. Là où, durant un long weekend se tient depuis plus de 30 ans la Beatleweek, un festival entièrement consacré aux Fab Four et qui réunit plus de 50 groupes en provenance du monde entier, qui tous jouent la musique de Paul, John, George et Ringo.

Le romancier et chroniqueur Vincent Duluc écrivait dans un tout récent article des Inrockuptibles consacré à Paul Mc Cartney, qui va sortir à 76 ans un nouvel album : « il y a toujours eu 20 ans entre Paul et moi, et 20 ans c’est toujours jeune ». Je dois avoir à peu près le même âge que Duluc.

Je ne me souviens plus vraiment quand et comment j’ai entendu les premiers morceaux des Beatles. J’avais six ans lorsqu’ils mettaient un terme à leur aventure. Mais je me souviens de l’achat de mon premier disque. Une cassette en fait. A Londres, en 1977, lors d’un voyage avec mes parents, à 13 ans donc. Au HMV d’Oxford Street, le magasin historique, le seul qui soit encore ouvert en 2018. Devant le rayon de cassettes (pour les moins vieux voir sur wikipedia l’article cassette), toute la discographie de Beatles…
Laquelle choisir ? Je m’en souviens très bien de ce qui a motivé mon choix :  j’ai acheté « Beatles for sale », pour une raison très simple. C’était la pochette sur IMG_2691laquelle on les voyait le mieux.
Je me souviens ensuite avoir acheté ou reçu la cassette du Live at Hamburg, avec « Twist and shout », mais aussi « Besame mucho »… Mon radio-cassette passait leur musique en boucle, parfois interrompue par les émissions du week-end  « Stop et encore » captées sur les ondes longues de RTL, ou par mes premiers essais de « radio » : le radio-cassette avait un micro incorporé, qui enregistrait mes présentations de morceaux, puis la musque que je passais sur le tourne-disque de ma chambre…

Ensuite il y a eu bien sûr le double disque rouge, puis le bleu (avec les disques vraiment rouges et vraiment bleus) . Et puis tous les autres. Et des heures à passer mon début d’adolescence en leur compagnie, à chanter dans ma chambre « Let it be » ou « Hey Jude »… Un peu plus tard je les ai laissés de côté, j’ait fait connaissances des Stones, des Clash, de Springsteen de Téléphone, d’Higelin, mais aussi de Beethoven, de Verdi, puis de Coltrane et de Miles.
Une petite bruine accueille les visiteurs en ce vendredi de fin août. Ici, l’aéroport s’appelle le « John Lennon Airport ». Qu’en pense Paul lorsqu’il IMG_2586passe par là ? Comme il y a à peine un mois, où il a donné un concert surprise dans la mythique Cavern, là où beaucoup de choses ont commencé, il y a près de 60 ans. Ou lorsqu’il a enregistré en juin dernier les séquences de l’émissions « Carpool karaoke »de  James Corden : un retour sur les lieux de son enfance et un concert surprise dans un pub. Dans le taxi qui m’emmène au centre ville, j’imagine que sa voiture a traversé les mêmes faubourgs, les alignements de rues identiques, de maisons en briques rouges, les terrains vagues, le cimetière, parfois un dégagement au loin vers la Mersey et les docks, la cathédrale…

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J’arrive devant l’hôtel Adelphi, le centre de la Beatleweek, avec la Cavern. C’est dans ces deux lieux que la musique des Beatles meublera les journées, et les nuits, des festivaliers.
L’Adelphi : un immense bâtiment de sept étages, 400 chambres, avec ce côté palace ancien qui survit tant bien que mal. Du temps de sa splendeur, l’hôtel accueillait pour une nuit les passagers fortunés au départ pour l’Amérique. On ne compte pas les célébrités qui y ont résidé, à l’époque. Plus récemment, seul Bob Dylan, qui devait en avoir marre de sa caravane, s’est arrêté une nuit lors d’une tournée.

Ce soir, un groupe hollandais va jouer en live l’intégralité de l’album blanc des Beatles, dont on fête en 2018 le cinquantième anniversaire de la publication. Pendant plusieurs années, entre 13 et 16 ans, je pense, le poster de cet album était accroché au-dessus de mon lit, et je me réveillais en compagnie des pbotos-portraits de Paul, John. Georgs et Ringo. A 13 ansa aussi, je reconstituais des concerts des Beatles avec Playmobil et radio-cassette.

Lors de la réédition remastérisée du catalogue du groupen en CD il y a quelques années, c’est l’album blanc que j’ai voulu racheter en premier, pour redécouvrir les musiques de ces dimanches passés à écouter encore et encore.

Dans le public, aucun doute, Paul a bien 76 ans, et une grande partie des fans a les cheveux couleur White album. La soirée ronronne agréablement.  Ça joue bien, il y a de l’énergie, les morceaux se suivent dans l’ordre de l’album. Un entracte après la fin de la deuxième face du premier disque : la moitié de la salle se précipite aux toilettes, l’âge et la bière…

La bière. Combien de gallons Liverpool écoule-t-elle de bière en une journée ? On la trouve partout. Dans les mains des spectateurs du concert du soir, dans les pubs, mais aussi sur le plancher des pubs, et en général ça colle aux semelles, car le trop plein d’un verre a débordé. Dans le pub où je décide de passer la fin de mon samedi après-midi, la bière aussi est bien là. Il y a match du FC Liverpool à 17h30, le pub est quasi plein. Quelques jeunes en maillot rouge et qui braillent plutôt qu’ils ne chantent une version simplifiée du « You will never walk alone », l’hymne du FC Liverpool.  Mais il y a aussi des couples, la cinquantaine, des hommes seuls, des enfants. On ne reste pas devant sa télé pour le match, on va le voir au pub. Il faur dire aussi que le prix de l’abonnement complémentaire à une chaîne privée, obligatoire pour voir les matches anglais, n’est pas donné non plus. Une raison de plus de descendre au pub ? Certainement.

La bière dans Mathew street, la rue des clubs de musique, dont les notes s’échappent pour constituer étrange mélange de tubes des sixties.
La bière encore dans la Cavern, la mythique cave, reconstruite à une vingtaine de mètre de son lieu d’origine, bondée en cette fin de semaine. C’est un groupe du Bresil qui joue, les Poison Gas ; ils doivent avoir entre 13 et 17 ans, le plus jeune guitariste est juste incroyable, notamment dans le solo de « While my guitar gently weeps ». LaBeatleweek, IMG_2619
c’est bien sûr les groupes d’imitateurs des Beatles, qui vont jusqu’à mettre des perruques pour ressembler le plus possible. C’est bien, mais ça va un moment. Le plus intéressant, c’est la découverte de ces groupes de jeunes, et la manière dont ils s’approprient cette musique cinquantenaire, qu’ils la dynamisent et la jouent avec une énergie nouvelle.

IMG_2654Au coeur de la nuit, dans le bar de l’Adelphi, le groupe brésilien Magical Miatery balance « Twist and shout », la foule, ivre de musique twiste et crie, dans une communion musicale absolue. Il n’y plus rien au monde que la musique, les riffs de guitare, le martèlement de la batterie et une ligne de basse Höffner. Le temps s’est arrêté…

Le lendemain matin, au petit-déjeuner, les contingences reviennent en force : les yeux rouges derrière le porridge, les cheveux pas encore coiffés derrière le bacon. Déjà il faut quitter l’hôtel.

Une bruine fine ternit Liverpool. J’attends le bus qui me ramènera à la gare. La Beatleweek se poursuivra encore le dimanche avec une convention, qui permettra aux fans d’acheter disques collectors et CD bootlegs.

La banlieue de Liverpool défile derrière les gouttes d’eau qui s’accumulent sur la vitre avant de l’étage du double decker.  J’y aperçois le reflet de mon visage fatigué. J’ai vu Liverpool, j’ai cherché les Beatles. Et j’ai trouvé un peu de moi-même.

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